Contexte d'Anima

Déjà à l'époque, nous savions que la Terre était surpeuplée et que nous aurions, tôt ou tard, à faire face à de nombreux défis sur le plan démographique. Plus les années avançaient et plus les ressources s'épuisaient en même temps que le nombre d'habitants décuplait. Ce problème n'était pas spécifique à notre pays ━ l'Inde, les États-Unis ainsi que le Brésil faisaient état des mêmes statistiques que nous. La situation était préoccupante, mais comme l'économie ne souffrait guère de cet accroissement de la population, les différents chefs du G-20 ne considérèrent pas l'urgence de la situation. Alors, comme il fallait s'y attendre, les années suivantes furent critiques pour l'avenir terrestre.

Le réchauffement climatique ne fit qu'accélérer. Des populations entières eurent à affronter de terribles catastrophes qui mirent en péril la santé et la sécurité de centaines de milliers de personnes. Évidemment, les communautés les plus vulnérables étaient celles qui n'avaient pas accès à un toit convenable. Mais plus la situation s'envenimait, plus les citoyens modèles et les personnalités connues commencèrent aussi à s'inquiéter de leur sort. Peu à peu, plus personne n'était réellement à l'abri : maladies, catastrophes naturelles et humaines, guerres et famine à travers le monde. Il devint plus qu'évident que le monde tel que nous l'avions connu était sur le point de s'effondrer.

Notre nation, le Japon, fut le premier pays à plancher sur une solution : nos avancées technologiques nous permettaient déjà de dénicher des trésors d'ingénierie. Bientôt, le projet Shinsekai vit le jour et, avec lui, un espoir nouveau pour l'humanité. Il était désormais possible pour l'humanité d'espérer quitter cette planète désolée en direction d'un endroit paradisiaque où habiter ━ loin des dangers et des déceptions que devait combattre l'humanité actuellement. Nous avions prévu de déployer une seule colonie destinée aux japonais : un endroit où nous pourrions tous vivre harmonieusement loin des séismes ravageurs qui avaient déjà engloutis sous l'eau une partie de notre pays. Nos chercheurs et nos ingénieurs travaillèrent de concert à l'élaboration de planètes synthétiques où nous pourrions emménager. Ces planètes que nous avons décidé de nommer des colonies gravitaient autour de la terre comme si, au fond, nous étions incapables de dire adieu à cette mère qui nous avait tous fait naître il y a tant d'années. Une partie de la population nippone ━ en grande majorité, les personnes plus influentes, admirées et fortunées du Japon ━ se retrouva donc à aller vivre sur C-3, la colonie Amaterasu, qui fut la première à abriter des humains. Les autres ━ des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants qui n'avaient pas les moyens de payer leur place parmi les privilégiés ━ demeurèrent sur Terre à affronter ce qui s'y trouvait : les villes perdirent de leur superbe. Bientôt, il n'y avait plus l'électricité et l'eau courante. Certains nommèrent cela l'Ère du Réveil.

Deux autres nations emboîtèrent le pas au Japon afin d'accéder à une vie meilleure : c'est ainsi que les deux autres colonies furent habitées par des personnes avantagées nées au Moyen-Orient pour la C-1, Susanoo, et de riches européens chez Izanagi, la C-2. Bien sûr, des américains, des chinois, des russes, des canadiens, des africains et des australiens eurent la chance de pouvoir partir avec leur famille pour l'une ou l'autre des colonies même si celles-ci avaient été inspirées et bâties par d'autres pays que le leur.

Et ce qui devait arriver arriva : un jour, les colonies ne furent plus en mesure d'accueillir qui que ce soit. L'accès à celles-ci fut alors restreint et les personnes restées sur Terre durent se rendre à l'évidence qu'on les avait abandonnées. Ils entretinrent alors une rancœur envers les colonies amplement justifiée par les années de souffrance qu'ils endurèrent. Personne, mis à part quelques soldats appartenant à Amaterasu, n'eut la décence de venir les aider et de s'enquérir de leur état. La population terrestre ne fit que décroître avec le temps : les villes furent englouties sous les flots, ravagées par des incendies et décimées de leurs habitants. Les survivants marchaient des kilomètres ou empruntaient des embarcations de fortune pour un long voyage vers le seul coin de pays encore debout malgré tout ce qui s'était passé. Le Japon.

L'île n'était définitivement plus ce qu'elle était. Afin de pouvoir repartir de zéro, les nippons avaient considéré la possibilité de retourner aux méthodes de subsistance reliées à leur passé et à leurs longs siècles d'histoire. On assista alors au retour des bâtiments de l'ère Edo. Les habitants se déplaçaient avec des chevaux et cultivaient leur nourriture. La pêche redevint une activité essentielle. Il n'y avait plus de villes, de préfectures, de régions. Il n'y avait plus que le Japon en un seul terme. Des centaines de milliers de personnes qui coexistaient en un seul point de convergence : à l'intérieur de ce que l'on nomma le Néo Japon.

Bien entendu, afin de conserver l'équilibre du monde intact, il fallait mettre en place un système de lois et une hiérarchie qui se devrait d'être respectée par tous. C'est ainsi que les Arcanes virent le jour : comme les faces d'un jeu de tarot, les nombreux dirigeants et hauts gradés étaient tous au service du Suprême. Celui-ci était et est toujours considéré comme un dieu vivant parmi les hommes : le mystère plâne sur ses origines et sur ses pouvoirs, mais beaucoup prétendent qu'ils seraient très nombreux. Les Arcanes sont toutes au service du Suprême. Il s'agit, tout bonnement, de son armée. On les connaît sous le titre d'Arcanes Célestes et ils ont voyagé à travers l'univers. Tous vêtus d'un uniforme très spécifique de couleur noire et d'armes technologiques très avancées, les Arcanes ont le privilège de pouvoir visiter n'importe quelle colonie sans avoir à s'encombrer de papiers administratifs. Leur uniforme ainsi que leur badge ━ qu'ils traînent constamment avec eux et qui est orné d'un numéro d'identification unique ━ sont faciles à reconnaître et génèrent terreur et fascination de la part des citoyens des colonies.

Ah, les colonies. C-1 et C-2 considèrent avec révérence le Suprême et n'iraient jamais à l'encontre de ses demandes. Une fois l'an, ils se réunissent pour le conseil où les cinq têtes couronnées peuvent parler des enjeux dont font l'objet leur secteur. Le Suprême, l'Empereur d'Amaterasu, le Roi de Susanoo, le Roi d'Izanagi et le Général du Néo Japon se rencontrent donc afin de traiter de divers sujets. Bien que, dans le cas du général, on l'invite davantage par hypocrisie que par courtoisie. Heureusement pour lui, il n'est pas dupe et ne se laisse pas impressionner par les grands airs de tout ces prétentieux sans humanité.

... Mais l'équilibre de l'univers ne tient pas qu'à la loi et l'ordre. Il faut aussi que les forces soient égales et, en ce moment, la Terre manque cruellement de capacités pour faire valoir réellement son point de vue. Cette injustice penche lourdement dans la balance et les pions en place commencent à faire basculer l'échiquier. Après tout, peut-on vraiment exister dans un monde aussi malhonnête sans craquer ? Quelqu'un, quelque part, finira tôt ou tard par réussir là où d'autres ont échoué. Il n'y a pas de Dieux. Il n'y a que des acteurs d'une pièce de théâtre particulièrement convaincante et des gens trop abusés pour bien vouloir douter de leur légitimité. La résistance ? Elle s'organise.

Et bientôt, ce ne sont pas les territoires et les océans qui seront ravagés par une tempête, mais bien les Illustres qui fléchiront face à ceux qui ont le courage de se tenir droits face à l'adversité ━ et qui n'ont jamais, au grand jamais, renoncé à leur liberté et à leurs racines.

Puisque au coeur d'un torrent de rancoeur et de rage, le pardon n'a jamais été une option.